mercredi

Une guirlande pour Mila

Versailles 2016 - Donner à des chaussures actuelles un look XVIIIe siècle

1- Choix des chaussures

(Cliquez sur les images pour les agrandir)

La forme initiale de la chaussure est importante. 
Pour se donner une idée de l'objectif, regardons d'abord quelques modèles d'époque :

A droite, modèle précoce valable pour le XVIIe siècle.
 A gauche, modèle plus typique des deux derniers tiers du XVIIIe.

Sur ces modèles plus tardifs, la forme est moins pointue et le talon s'abaisse. 
Elles sont aussi plus sobres dans les couleurs.
Chaussures brodées du milieu du XVIIIe.
Que ce soit pour des chaussures précoces fermant avec un ruban ou les classiques à boucle, il va falloir rajouter la plupart du temps une languette et des pattes de support de boucles (ou simplement des oreilles à œillets pour le ruban). On constate aussi que le talon est épais et déporté vers l'avant. Globalement, la forme de l'empeigne est pointue sans être effilée (très difficile à trouver)

Attention : vous risquez de porter ces chaussures sur des sols instables (pavés, graviers d'allées...) et pendant une journée entière. Il est donc primordial d'avoir quelque chose présentant un minimum de confort avant la customisation.
Sauf si vous optez pour une fermeture à l'aide de reproductions de boucles à ardillons d'époque, ne comptez pas sur une boucle ordinaire pour assurer le serrage. Cela tombe bien, les chaussures sur lesquelles vous rajouterez des choses sont conçues initialement pour tenir au pied sans lesdites choses à rajouter !

2- Préparation de la chaussure

Nous optons pour un recouvrement par du tissu collé. Il faut donc enlever les parties qui risquent de gêner (brides inutiles, boucles, décors...) et passer les parties à recouvrir au papier de verre afin d'assurer une meilleure adhérence de la colle.

Chaussure mise à nu et poncée

3 - Patronnage

Nous allons maintenant définir la forme des pièces de tissu qui vont recouvrir la chaussure.
Tout d'abord, nous fabriquons et collons une languette en tissu fort doublé avec une sorte de vlieseline très rigide.

Choix de la colle : si la colle néoprène liquide présente toutes les garanties de solidité, elle tache et transperce certains tissus. Nous avons opté pour le colle Scotch Gel glue (le tube vert !) qui convient à merveille.

Forme de la languette.
 Les encoches permettent de mieux s'adapter à l'arrondi de l'empeigne.
On colle au niveau des créneaux.

Dans la mesure du possible, on collera la languette par dessus l'empeigne afin d'éviter une surépaisseur qui pourrait blesser le pied.

Le modèle du patron va affecter plus ou moins toujours la même forme :

En haut, les 2 quartiers cousus, en bas à droite, un quartier seul 
et, à gauche, l'empeigne avec les 2 fentes d'adaptation à la languette.
Après avoir découpé grossièrement le "patron" dans un tissu léger, on l'applique sur la chaussure à l'aide d'épingles et on peut tracer dessus les vraies limites et rectifier l'angle d'inclinaison des languettes par rapport aux quartiers :




Trois patrons successifs seront effectués pour cette chaussure, avec des corrections à chaque fois.
Ensuite, lorsque la bonne forme a été obtenue, on peut découper dans le tissu choisi (ici, un coton d'ameublement moyennement fort).

4 - Collage



On commence par coller le tissu au niveau de la pointe. On place la colle dans le creux entre la semelle et l'empeigne, on enfonce le tissu avec l'ongle et on maintient avec des épingles. La colle sèche assez vite mais on a quelques secondes pour repositionner en cas de problème. On procède ainsi petit à petit le long de la semelle , d'un côté puis de l'autre. On peut mettre un peu de colle par endroits sur le cuir. On fera attention à bien tendre le tissu.

L'empeigne est entièrement recouverte.
Même travail sur une chaussure différente.
 On voit bien que la forme de l'empeigne est différente afin de s'adapter à la chaussure. 
La languette a été bordée d'un biais noir.

La languette est ici aussi plus petite. 
Cette chaussure ferme par un zip.
Il faudra s'assurer avant que l'on peut l'enfiler zip fermé.
Une fois la partie avant collée, on découpe les quartiers et on les coud ensemble sur l'arrière. Il est prudent de mettre en place les quartiers avec des épingles avant collage afin d'être bien sûr du positionnement, et notamment de l'angle que prennent les languettes porte boucle si elles sont attenantes aux quartiers. On commence ensuite à les coller comme l'empeigne mais en commençant par l'arrière, au niveau de la couture. Un côté, puis l'autre, petit à petit, toujours en collant au niveau de la liaison semelle/chaussure. La partie avant des quartiers doit chevaucher l'empeigne. La partie haute est rabattue dans la chaussure en veillant bien à tendre. On peut soit maintenir quelques secondes avec les doigts , soit épingler le temps du séchage.


Sur ce modèle, à cause de la forme de la chaussure, 
on a dû réaliser des quartiers sans languette porte boucle.
 Le haut du tissu de recouvrement des quartiers est rabattu à l'intérieur. 
Faire des fentes si nécessaire pour éviter les plis.

La languette porte boucle est taillée dans le tissu et renforcée par une doublure en fort coton collé. 
La boucle est cousue sur la languette externe tandis que la languette interne se termine en pointe. 
Les languettes de boucle sont finies à l'aide d'un biais collé.
 Elles sont elle mêmes collées sous la semelle et sur les côtés. 
On aura au préalable tranché le tissu superflu au niveau de la liaison semelle- chaussure
 à l'aide d'une lame extrêmement tranchante type lame de rasoir.



La chaussure terminée.

Le premier type de chaussures terminé. 
On distingue bien le quartier avec la languette porte-boucle attenante. 
 Certaines parties ont été doublées en biais rose de couleur tranchante. 
La jointure tissu-semelle a été recouverte de ruban (à défaut de trouver du biais rose pale). 
Ceci n'est pas nécessaire en fait car le tissu, bien collé, ne s'effiloche pas.

La languette porte boucle est bien entendu doublée en fort coton.

Détail de la couture de la boucle.

La boucle choisie ne comporte pas d'ardillon. On trouve couramment ce type de boucles made in China, à des tarifs... très très abordables ! Malheureusement, la solidité n'est pas forcément au rendez-vous et nous avons dû en consolider une avec de la résine (Araldite).

On pourra le cas échéant peindre le talon à l'acrylique.

Dans l'escalier des ambassadeurs à Versailles.
Après les Fêtes galantes et la Journée Grand Siècle de Vaux le Vicomte, les chaussures ont bien tenu le choc.

Le coût de la transformation est de quelques euros... mais de 10 h de travail par paire !

dimanche

Des guirlandes pour Agathe et Louison

Vrac de la semaine


Je retrouve "mon" potager avec un immense plaisir après ces derniers mois où mon temps libre a été consacré à la couture. J'ai un gros besoin de prendre l'air et de bouger ! La grelinette reprend du service, je retourne la terre sous l'oeil curieux des nouvelles habitantes du champs tout proche ainsi que des poulettes qui observent leurs voisines ! 
Nous avons pris beaucoup de retard, le temps de ces dernières semaines ne se prêtait pas non plus au jardinage ! 
Du côté des fruitiers, les oiseaux apprécient beaucoup les cerises !! Il restera bien quelques poires et coings pour faire nos confitures cet automne !

samedi

Versailles 2016 - Broderie de l'habit à la française

1 – Choisir le motif et le transformer en fichier pour machine à broder

(Cliquez sur les images pour les agrandir)

Il est important de choisir un motif adapté à la taille du cadre de broderie de la machine à broder.
La Brother Innovis 955 dispose d’un cadre admettant un motif de 10x10 cm. Si on veut un motif plus grand, il faudra donc qu’il soit composé de parties assemblables de 10x10 cm maximum.

Les recherches sur des sites proposant des motifs (gratuits ou payants) n’ont rien donné de concluant, les motifs ne correspondaient pas suffisamment avec ce qui se faisait au XVIIIe siècle ou étaient incompatibles au niveau de la taille.
Nous avons en effet constaté que le changement de taille d’un motif ne donnait rien de bon :

  • agrandi, on écarte les points et la densité est moindre
  • rétréci, on augmente trop la densité de points pour la machine et cela crée des bourrages


En haut, fichier brodé à la dimension initiale, 
en bas, un autre fichier brodé en le rétrécissant.
La différence de qualité est nette !

Nous avons donc opté pour la recherche d’un motif d’époque à faire scanner.

Après avoir trouvé une suite de motifs imbriqués en ligne, donc scindable en sous-motifs de taille adéquate, nous avons réalisé un avant projet pour avoir une idée de ce que cela pourrait rendre tant au niveau esthétique que dimensionnel.

Motif complet

Motif dissocié

Avant projet

Nous nous sommes ensuite lancés dans la recherche d’un prestataire de service pour le scan et la transformation en fichiers de broderie au format .PES (Brother).

Il existe sur le net de nombreuses sociétés réalisant cela, pour l’essentiel basées en Chine (pas de prestataire français à notre connaissance - toute info est la bienvenue !). Après avoir demandé plusieurs devis, nous avons opté pour la société 123digitizing.com qui, à travers ses questions, nous a paru la plus « pro ». Le prix de revient d’un motif a été de 24 USD et le fichier envoyé en moins de 24h. Il est possible de les faire corriger gracieusement en cas de problème.
Nous avons fourni le dessin au trait ainsi qu’une copie de ce dernier avec les traits symbolisant l’orientation des points. Nous avons aussi précisé le type de point voulu et bien entendu la dimension exacte que le motif devait avoir (afin d’éviter les problèmes dus au changement de taille évoqués plus haut).


Motif avec les traits en rouge symbolisant l'orientation des points

2 - Positionner le motif sur la pièce à broder

Pour cela, il faut d'abord :
  • broder le motif sur un tissu quelconque
  • relever sa forme extérieure sur un papier transparent (qui pourra être utilisé pour des motifs symétriques !)
  • pointer le centre du motif sur le transparent (on obtient le centre en lisant le fichier du motif sur le logiciel de votre machine)
  • tracer ce que nous appellerons la « ligne de base » qui est la ligne horizontale tangente au point le plus bas du motif de broderie. L’affichage sur le logiciel aidera également à trouver cette ligne de base.


Exemple de "transparent" avec centre et ligne de base


Ainsi, avec ces repères mathématiques, on pourra parfaitement placer le motif sur le tissu non seulement en position (x,y)  mais aussi définir son orientation angulaire (rotation). Avec les « transparents », on pourra aussi vérifier que les motifs ne se chevauchent pas.

On pourra auparavant réaliser un essai avec une impression des motifs

Pour broder, il est conseillé d’utiliser un renfort à placer derrière le tissu. Nous avons acheté un produit en intissé soluble que nous positionnons non pas derrière mais devant (sur la face visible) et qui va nous permettre de tracer les repères de positionnement. Il faut le coudre sur la pièce à broder.
Attention : avant de broder le tissu, ne pas oublier de le laver une première fois - si c'est possible - afin d'éviter un rétrécissement lors du lavage en fin de broderie !

Pour chaque motif, à l’aide du transparent, reporter sur le renfort soluble la position du centre et la ligne de base. Le centre permet de positionner le cadre au départ, la machine commençant toujours par se positionner au centre, même si elle attaque ensuite par un autre endroit. Il est facile de corriger la position en x ou y sur la machine, de façon manuelle avant le départ de la broderie. On vérifie le positionnement du motif en faisant descendre l’aiguille qui doit se trouver pile sur le point central.

Exemple de tracé sur l'intissé soluble.
Le fil jaune de couture est positionné exactement sur les limites de la pièce (ici un rabat de poche).
On remarque bien les points centraux et les lignes de base qui vont définir l'orientation angulaire du motif.

Attention : lors de la délimitation de la pièce à broder sur le tissu, il faut prévoir du tissu en plus afin de pouvoir fixer toute partie à broder dans le cadre de broderie. En cas d'oubli, il suffira de coudre provisoirement un tissu quelconque en guise de complément.
Au moment de fixer le tissu dans le cadre, on veillera à ce que le point central du motif soit centré dans le cadre et que la ligne de base soit bien parallèle au bord du cadre qui se trouve du côté de la personne qui utilise la machine une fois en place.
Stress (au début) et concentration !
Quand tous les motifs sont brodés, il suffit de passer le tissu à la machine (programme « doux ») pour éliminer l’intissé. D’expérience, un simple trempage n’est pas assez efficace et laisse une sorte de couche « rugueuse sur les motifs.
Le bas du gilet.
La broderie et le filet ont été exécutés, lintissé est encore en place.
On voit les repères au crayon pour le positionnement des boutonnières
ainsi que les points centraux en rouge.
Il ne reste plus qu'à laver pour dissoudre l'intissé !

La pièce de tissu lavée.
Comme à l'époque, et dans un but économique, on peut broder plusieurs pièces sur le même morceau de tissu.
En haut, nous avons profité d'une chute pour broder les boutons.

Pour éviter les problèmes lors de l’exécution de la broderie, on constituera soigneusement ses canettes avec le même fil que celui de la bobine (moins de risques de « bourrage » et rendu esthétique meilleur).
Nous avons utilisé pour le projet environ 3 kilomètres de fil à broder Madeira Rayon N° 40 (réf 9841).
Nous avons enregistré très peu d’incidents de casse (3 ou 4) et quelques « bourrages » dus à des canettes mal constituées (c’est assez difficile à maîtriser).
Pour les filets en mode « machine à coudre », nous avons utilisé un fil de coton plus épais qui rendait mieux pour le type de point utilisé (plus de densité).

La broderie machine est complétée par de la dentelle

On fixe enfin des sequins avec des perles au centre des fleurs vides.
On rencontre des sequins à facettes embouties dès le milieu du XVIIIe siècle.

Détail de la broderie du gilet.

Broderie du bas de la culotte.

Broderie et boutons du justaucorps.

Et voici le résultat après montage et ajustage (ce qui n'est pas le moindre travail !!!), sous les ors de Versailles !